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La rédaction du Figaro demande l'arrêt
des sondages Opinion Way
La Cour des
comptes a fait état de 15 sondages payés par l'Elysée et publiés par certains
médias, dont «Le Figaro». La société des rédacteurs du quotidien exige de
cesser leur publication. L'institut de sondages, lui, contre-attaque. La Société des
rédacteurs du Figaro a demandé, vendredi, à sa direction «de mettre
immédiatement un terme» à la publication, dans le quotidien, de sondages
Opinion Way, qui, pour la Cour des Comptes, «sont commandités» par la
présidence de la République. Motif de la «consternation»
de la Société des rédacteurs: le paragraphe du rapport
de la Cour des comptes sur le budget 2008 de l’Elysée, intitulé «Le cas
particulier des études». Les experts de
la rue Cambon ont relevé que, «sur les 35 études (d’opinion, ndlr) diverses
facturées en 2008, au moins 15 d’entre elles avaient fait l’objet de
publications dans la presse». «Pour un nombre très limité d’entre elles, la
version remise à l’Elysée contenait des thèmes ne figurant pas dans la version
grand public. Pour les autres études, le document remis à la présidence était
identique à celui publié par les organes de presse et conduisait donc à mettre
en doute l’intérêt de telles commandes», souligne la Cour. «Coproduction qui nuit à la crédibilité»
Elle stigmatise,
en particulier, les enquêtes grand public «omnibus» réalisées par
l’institut Opinion Way, dont les résultats sont publiés dans Le Figaro et par
LCI. «En dépit des 392.288 euros facturés» par un cabinet de conseil «à
la présidence de la République pour la participation à ces enquêtes (...) la
comparaison des résultats publiés dans la presse et ceux remis à la présidence
ne faisait pas apparaître de différence», souligne la Cour des comptes.
D’où ses interrogations «sur l’utilité de ces dépenses». Il apparaît,
embraye la Société des rédacteurs du Figaro dans un communiqué, que «de
nombreux sondages "Opinion Way" publiés, notamment, par le Figaro,
sont commandités par la présidence et que certains sont expurgés avant d’être
diffusés au grand public». Celle-ci demande donc à la direction de «mettre
immédiatement un terme à ce type de "coproduction" qui nuit gravement
à la crédibilité des titres du groupe». «Il
appartient au Figaro de choisir seul les instituts de sondage auxquels il
commande des études, de déterminer avec eux les sujets de ces études et les
questions posées à l’échantillon représentatif, et de publier les résultats in extenso, assortis des commentaires des
journalistes rédigés en toute indépendance», conclut la Société des
rédacteurs. «Erreurs d’appréciation» selon Opinion Way
Dans un communiqué publié sur son
site, Opinion Way se défend, évoquant des «erreurs d’appréciation»
et se réserve le «droit d’engager des procédures à l’encontre de tous ceux
qui exprimeraient des propos à caractère diffamatoire» sur l’institut. Celui-ci
distingue deux de ses prestations: la première, une enquête hebdomadaire
réalisée uniquement pour les comptes de LCI et du Figaro. Et la seconde, «citée
dans les conclusions de la Cour des Comptes», qui «correspond à des
questions confidentielles posées régulièrement dans l’enquête omnibus».
Cette étude, explique Opinion Way, rassemble «des questions achetées par
des clients différents, bénéficiant ainsi d’économies d’échelle». L’institut rappelle,
enfin, qu’il travaille pour des clients positionnés tant à droite qu’à gauche,
citant la Fondation TerraNova, la Fondation Jean Jaurès, le conseil régional
d’Ile-de-France, la Ville de Paris, le Nouvel Observateur, le site Bakchich
Info. «Ce n’est pas Ségolène Royal qui le dit»
Peu avant, la
députée (PS) Delphine Batho a, de son côté, demandé la publication de cette «liste
des 15 sondages payés par la présidence de la République et publiés par
certains médias». «Nous sommes ici au coeur d’un système d’instrumentalisation
de l’opinion et de connivence entre le pouvoir, un institut de sondage et
certains médias», dénonce la porte-parole de Ségolène Royal. Et rendre
cette liste publique «permettrait, à coup sûr, de revisiter les conditions
de déroulement de certains débats publics où des jeux d’influence pervers
s’exercent pour manipuler l’opinion», ajoute-t-elle. Pour Delphine
Batho, «les Français doivent désormais savoir que lorsqu’ils entendent dans
un média qu’un sondage a été réalisé par Opinion Way, il a peut-être été payé
par Nicolas Sarkozy. Ce n’est pas Ségolène Royal qui le dit, mais Philippe
Séguin», premier président de la Cour des comptes. Dans la réponse
qu’elle a apportée à la Cour, la présidence indique «que les relations
contractuelles avec ce cabinet viennent d’être modifiées»: deux contrats
distincts (un pour le conseil, l’autre pour les études). En outre, note la
Cour, l’Elysée a décidé «que, depuis mars 2009, le périmètre
d’intervention» de ce cabinet se limite «aux seules enquêtes concernant
l’image du président de la République». |